Covid-19 | Entretien croisé avec la Fédération CINOV
Comment la crise sanitaire actuelle impacte-t-elle l’activité des bureaux d’étude et des cabinets de conseil en construction et en rénovation ?

Cet entretien croisé avec Julien Garnier (Cardonnel Ingénierie) et Vincent Vanel (Greenation), membres de la Fédération CINOV, qui représente les syndicats des métiers de la prestation intellectuelle, du conseil, de l’ingénierie et du numérique, apporte un éclairage sur la question, et dresse ainsi un état des lieux de la situation générale.
Quel impact identifiez-vous à ce jour sur votre activité ?
Julien Garnier : Avant le confinement, nous étions engagés dans une démarche de généralisation du télétravail au sein de Cardonnel Ingénierie, et étions en possession des outils nécessaires. Pour le moment, cette situation n’a pas d’impact sur notre capacité à accomplir nos missions de conception, de visa et d’ingénierie réalisables à distance.
En revanche, nous avons stoppé dès le début du confinement les audits, suivis de chantiers, réunions de mise au point, réunions clients, réceptions et levées de réserves. Cela représente une part importante de l’activité et donc un report de chiffres d’affaires. Nous répartissons les missions de conception, mais notre volet d’activité n’occupe pas tout l’effectif. En effet, le flux de sollicitations et de commandes est très faible, puisque nos clients sont également dans l’expectative.
Vincent Vanel : Concernant les activités, je rejoins les faits présentés par Julien puisque nos situations sont très similaires. Les études déjà commandées peuvent être réalisées si aucune visite ou rencontre n’est nécessaire. Cela n’inclut donc pas les audits, les interventions dans les appartements, les chantiers, etc.
À ce jour, nous réfléchissons encore à des solutions qui garantiraient également la sécurité de chacun, mais nous rencontrons plusieurs problèmes : difficulté à trouver des masques, refus des clients, incompréhension des autorités sur nos métiers, etc.
Quelle est la situation concernant la rénovation énergétique en copropriété ?
J.G : Je crains un ralentissement important des opérations en cours ou à venir. Il semble vraisemblable que nous allons faire face à une récession, qui engendrera certainement une augmentation des taux d’emprunt et de l’inflation. Par extension, les travaux de rénovation énergétique seront sûrement loin d’être des priorités.
Si le confinement obligatoire mettra en valeur l’importance du confort et des performances énergétiques de son logement, il est très probable que cette préoccupation soit reléguée au second plan dès la reprise et ses suites.
V.V : Il est certain que toutes les commandes qui devaient arriver suite aux consultations et actions commerciales d'avant confinement seront ajournées, voire probablement annulées. Et en effet, cela viendra directement influencer des taux d'intérêts d’emprunt plus élevés, associés à des trésoreries qui s’avèreront plus faibles et des priorités autres.
Point encourageant néanmoins : nous constatons un développement de missions dans la végétalisation des bâtiments, l’aménagement de jardins nourriciers en terrasse ou les pavillons. Les citoyens ont compris qu’il était aujourd’hui indispensable de reprendre la main sur leur autonomie et sur leur résilience face aux événements extérieurs. La situation sanitaire actuelle montre qu’en cas de crise environnementale due à la pollution des milieux naturels, ceux qui auront anticipé leur souveraineté alimentaire (voire médicinale via les plantes) s’en sortiront davantage.
Comment préparez-vous la reprise ?
J.G : Grâce à la mise en place du télétravail, notre activité continue et nous reprendrons donc sans difficulté. J’ai la chance de diriger une équipe résiliente qui sait s’adapter. Nous avons cependant des inquiétudes quant au niveau de notre activité, qui actuellement souffre d’un nombre très faible de consultations.
Nous accusons en effet une baisse d’activité de l’ordre de 30 %, mais le volume de commandes est lui en baisse, de 60 à 80 % suivant les activités. Paradoxalement, d’autres dossiers en sommeil ont redémarré. Cependant, il est encore difficile d’avoir une vision claire de cette reprise et des impacts à moyen terme que ce ralentissement va engendrer.
Aujourd’hui, nous travaillons à une reprise en ayant en ligne directrice la sécurité et la santé de nos collaborateurs. À ce stade, nous peinons à trouver des EPI (Équipements de Protection Individuels) et nos opérations sont toujours majoritairement à l’arrêt.
V.V : Grâce à la mise en place du télétravail, notre activité continue, nos équipes sont agiles et responsables. Nous nous attendons cependant à un nombre très faible de commandes liées à l’éco-rénovation. Les priorités de nos clients seront ailleurs : reprise du travail et des rythmes pré-confinement, enjeux économiques spécifiques, trésorerie des citoyens en berne (dû probablement à des situations de chômage partiel), etc. Les copropriétés, souvent les plus petites, avaient déjà tendance à solliciter directement les entreprises de travaux, sans faire appel à un Maître d'Œuvre (MOE). Je crains donc qu’à la reprise, le cas se multiplie encore et que peu de chantiers nous soient confiés.
À l’instar de Julien, nous subissons effectivement une baisse du nombre de consultations dans le secteur de la transition énergétique, actuellement presque inexistant, malgré quelques demandes de DTG, d’audits énergétiques pour les Assemblées Générales de juin ou de compléments d'études CVC et bilan carbone de la part de clients qui avaient déjà fait appel à nos services. Au vu de ces observations, Greenation s’attend à une baisse de son chiffre d’affaires d’au moins 30 % en fin d'année.
Tout cela reste évidemment hypothétique – bien malin celui qui sait réellement comment cela se passera – et dépendra également de chaque secteur d’activité.
Merci à Julien Garnier (Directeur Général de Cardonnel Ingénierie) et Vincent Vanel (Président de Greenation) d'avoir répondu à nos questions.